La fabrique des mots – Erik Orsenna

   Voilà un livre que j’ai dégusté, savouré, dont je me suis délectée. Chaque mot, chaque phrase fut un délice. Je me suis repue de mots, j’ai fais satiété de découverte. Il faut ouvrir ce livre avec l’appétit d’en apprendre plus sur notre langue. Et avec un cœur d’enfant. Se dire que tout est bon à savoir, surtout l’origine des mots que nous utilisons quotidiennement. Et c’est là que l’auteur parvient à un tour de force : nous faire aimer ce que parfois nous n’avons même pas daigné écouter à l’école… Latiniste ou helléniste, mots étrangers, tout y est pour aller à la rencontre de notre langue française. Découvrir qu’elle n’est pas l’animal sclérosé que nous imaginons mais au contraire une énorme éponge qui absorbe tous les apports que chacun y fait. Il est bon parfois de lire que notre langue évolue encore et toujours. Que nous sommes contraints de fabriquer de nouveaux mots pour désigner des objets que nous créons… C’est là qu’intervient notre passé et l’origine des langues. Alors on se dit que ces langues que nous pensons « mortes » sont au final les bases solides qui construisent chaque jour notre propre langage. Loin d’être mortes, elles sont chaque jour vivantes car chaque jour nous en usons. Je vous invite à venir durant quelques lignes, à la rencontre de ce livre surprenant qui m’a énormément plu…

EO

Jeanne a attendu 10 ans pour raconter une terrible histoire… Terrible car dangereuse. Il était une fois un pays où un dictateur fou trouva que son peuple était trop bavard. Qu’il y avait trop de mots. Alors il décida de limiter les mots à utiliser. En donnant une liste. En emprisonnant ceux qui n’étaient pas compris dans cette dernière. Mais qui a dit que tout le monde se laisserait faire, les mots et le peuple ?…

   Le livre commence comme un conte, avec la traditionnelle formule « Il était une fois » qui laisse présager une douce histoire aux accents enfantins. Une histoire de celle qui illumine les yeux des grands enfants que nous sommes. Et c’est exactement le but atteint par l’auteur : il nous illumine de savoir et de plaisir. Camille Chevrillon quant à elle, orne les pages de l’histoire des ses illustrations simples qui nous rappellent tellement celles des contes ! Elle met en image ce que nous nous contentons parfois d’imaginer, apportant à notre imaginaire d’autres idées. Elle embellit une histoire déjà pleine de beauté.

   Ce livre m’a paru sans âge, s’adressant à tous et à toutes, enfants, parents, vieillards, jeunes, chacun y trouvera son bonheur. Erik Orsenna fait de notre langue un lien entre tout le monde. Chacun y a sa place. J’ai particulièrement aimé le clin d’œil fait au « langage des cités » quand trois jeunes viennent offrir au Capitan un dictionnaire du parler « caillera ». Une jolie métaphore de l’apport que ces jeunes font sans le savoir. Une manière de les valoriser, un petit rien mais j’ai trouvé cela touchant. Et une manière de dire que tout le monde apporte quelque chose à la langue et donc aux autres.

   En dehors de ces images métaphoriques, Erik Orsenna nous transmet un amour de la langue, des mots qui la composent. J’ai adoré découvrir l’origine de certains et chercher la signification d’autres (pusillanime qui m’a beaucoup intrigué, avouez qu’il faut le trouver celui-ci !!) Son propre plaisir, sa joie de nous faire partager son savoir sont communicatifs ! On sourit en parcourant les phrases, en imaginant la situation. Erik Orsenna donne corps aux mots, il les met en valeur.

   La petite Jeanne qui nous raconte l’histoire n’hésite pas à la ponctuer de phrases qui ont le charme de l’enfance. Elle parle, elle raconte, c’est à travers elle que l’auteur nous conte cette tendre histoire. Les principaux personnages sont les enfants, le principal décor est l’école. Cette dernière est le lieu de tous les apprentissages, là où on apprend, où on découvre. Malgré toutes les critiques que l’on peut émettre à son encontre, elle demeure le lieu d’apprentissage par excellence. La maîtresse de Jeanne, Mlle Laurencin, nous rappelle nos propres souvenirs quant à un instituteur qui nous a particulièrement marqué. Aimer apprendre n’est pas toujours inné. Le professeur est là pour cela, nous apprendre un savoir et nous pousser à aimer en apprendre toujours plus.

   Et au final c’est la curiosité qui transparaît, au delà des mots et du plaisir que l’auteur a à nous les faire découvrir. Celle de l’auteur, qui semble s’émerveiller de chaque syllabe. Celle du lecteur qui l’utilisera pour partir à la découverte de ce livre que je ne peux que vous conseiller… Pour continuer à apprendre ou pour vous réconcilier avec notre langue réputée si difficile à maîtriser (n’est-ce pas tout son charme ?…) foncez et lisez…

Bonne lecture et merci à celui qui m’a permis de faire cette belle découverte !

3 réflexions sur “La fabrique des mots – Erik Orsenna

  1. Lintje 4 septembre 2013 / 14 h 47 min

    Ce livre me fait penser à un cours de Philo de terminale qui en substance consistait à dire que la multiplicité des mots étaient l’origine de notre pensée et de notre liberté. Nous ne pouvions être libre que parce que nous avons des moyens d’exprimer ce qu’est cette liberté. Et effectivement, nous pouvons parfois chercher à vouloir exprimer quelque chose sans que ce mot existe ou du moins sans que nous ne connaissions le mot exacte qui traduit cette pensée : et du coup celle-ci par le mot que l’on choisi pour la traduire perd tout ou partie de son sens.
    C’est le cas pour le mot saugrenuité pour lequel je demande officiellement une reconnaissance à l’académie française !!!!

    • Maêlle 4 septembre 2013 / 15 h 57 min

      Je suis assez d’accord avec cette idée : les mots sont un moyen d’exprimer notre liberté et nous avons besoin de liberté pour user des mots. Et chaque mot a son importance, sa signification propre qui lui donne toute son importance.

      Je te soutiens pour saugrenuité !!! On fait une demande officielle à Erik Orsenna si tu veux 😉

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